À presque 70 ans, Luis Buñuel décide de réaliser son second film espagnol et de porter à l’écran un projet ancien, l'adaptation d'un roman de Benito Pérez Galdós dont il avait déjà adapté Nazarin. Le cinéaste, jadis fondateur, avec son ami Federico García Lorca, de l’Ordre de Tolède, retrouve la ville qui le fascinait tant dans sa jeunesse, ainsi que ses acteurs – Fernando Rey (Viridiana) et Catherine Deneuve (Belle de jour). Il signe avec Tristana un film profondément personnel, à la mise en scène d’une fluidité ascétique, économe de tout effet inutile.
Aussi morbide et dévastatrice soit-elle, l’histoire d’amour entre Tristana et sa figure paternelle Don Lope est fascinante. Entouré d’une bourgeoisie bigote et hypocrite, l’homme est un libertaire et un libertin convaincu. Sa pupille, élève docile, accepte ainsi les baisers troublants donnés par celui qui joue aussi un rôle de père. Don Lope, par ses opinions politiques (rejet de l’Église, du travail, de l’institution du mariage), est très proche de Buñuel. Mais bien qu’en conflit ouvert avec sa classe sociale, il finit pourtant par en adopter les usages et les coutumes. Décati par le temps, ce héros buñuelien voit son corps et son esprit sombrer.
« J’entends encore son pas dans le couloir, le bruit de ses béquilles et la conversation frileuse des curés autour de leur tasse de chocolat. » (Luis Buñuel, Mon dernier soupir, Robert Laffont). Ce pas claudiquant - et cette révolte rentrée – est celui de Tristana, campée par une Catherine Deneuve magistrale. Transformée par la patte du maître espagnol, l’actrice évolue violemment : d’abord naïve et consentante victime, elle s’émancipe, puis blessée, devient dure, acariâtre et monstrueuse. Mais plus les épreuves s’accumulent, plus elle est belle, perverse et sûre de son érotisme, imposant une fascination pour son corps mutilé, objet de fétichisme et voyeurisme.
« Tristana livre son horreur avec d’autant plus de force qu’elle se donne une tranquillité apparente, sans pression ni violence. » (Jean-Claude Guiguet, Lumière du cinéma n°10, décembre 1977)
Tristana
Espagne, Italie, France, 1970, 1h40, couleurs (Eastmancolor), format 1.66
Réalisation : Luis Buñuel
Scénario : Luis Buñuel, Julio Alejandro, d’après le roman Tristana de Benito Pérez Galdós
Photo : José F. Aguayo
Musique : Frédéric Chopin
Montage : Pedro del Rey
Décors : Enrique Alarcón
Costumes : Rosa Garcia
Production : Luis Buñuel, Robert Dorfmann, Época Films, Talía Films, Selenia Cinematografica, Les Films Corona
Interprètes : Catherine Deneuve (Tristana), Fernando Rey (Don Lope), Franco Nero (Horacio), Lola Gaos (Saturna), Antonio Casas (Don Cosme), Jesús Fernández (Saturno), Sergio Mendizábal (le professeur), Vicente Soler (Don Ambrosio), Fernando Cebrián (le docteur Miquis)
Sortie en Espagne : 29 mars 1970
Sortie en France : 29 avril 1970
FILM RESTAURÉ
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