Seul contre tous

« Seul contre tous est un film d’horreur social radical, un bloc de haine vibrant qui ne laisse personne indifférent. Ce voyage dans les abîmes de la conscience prise au piège de sa propre réflexivité est également une charge violente contre une société inique qui transforme, en toute impunité, les plus démunis en chair à pâté. Son cinéma a l’haleine avinée, la gueule patibulaire et le regard d’acier de son antihéros, brillamment interprété par Philippe Nahon.» (Sam Azulys, L’Avant-scène n°609, janvier 2014)

Cinéaste hors-norme, Gaspar Noé grandit entre Buenos Aires, New York et la France. Après des études de cinéma à l’école Louis Lumière, il tourne un moyen métrage, Carne, qui met en scène un boucher sinistre et sa fille autiste. En 1998, Noé renoue avec son inquiétant personnage et livre Seul contre tous, un premier film vindicatif et furieux. 

Ce qui raccorde profondément Carne à Seul contre tous, c’est un procédé narratif radical : une voix off continue, un monologue célinien, haineux et ininterrompu. Cet écœurant flot de paroles plonge le spectateur au cœur même des pensées de notre antihéros, partageant ses fantasmes, sa rage aveugle et ses pulsions morbides. Porté par la voix grave et rêche de Philippe Nahon, le verbe cru et ordurier deSeul contre tous captive autant qu’il déstabilise.

Ballade noire, Seul contre tous est présenté à Cannes où il remporte le Prix de la Semaine de la Critique. De Sarajevo à Stockholm, le film court les festivals, largement acclamé, et rafle neuf prix. Avec ce premier long métrage à la puissance incontestable, Noé s’impose en cinéaste de l’insoutenable. Devant ce refus farouche de séduire, ce goût de la provocation, la critique s’interroge : où se situe Gaspar Noé ? À cela Pierre Eisenreich répond : « L’inconfort qu’il inflige est peut-être celui de l’admiration contrariée par l’inquiétude. L’art de Gaspar Noé nous oblige à savoir ce que nous ne voulons pas voir. » (Positif n°457, mars 1999)