Répulsion

En 1964, Roman Polanski voit son premier long métrage, Le Couteau dans l’eau, sélectionné pour les Oscars. Il a quitté la Pologne pour Paris. Mais là rien ne bouge. C’est à Londres que les dirigeants du Compton Group, plus ou moins spécialisé dans film de genre à tendance érotique, lui proposent de réaliser un film d’horreur. Avec son scénariste Gérard Brach, Roman Polanski écrit très rapidement Répulsion.

Le cinéaste qualifie son film de « description du paysage d’un cerveau ». Polanski s’installera, dès Répulsion, comme le cinéaste du huis clos mental. Le personnage d’Hélène bascule du réalisme dans l’horreur, submergée par ses inhibitions et ses fantasmes sexuels, à la fois attirée et révulsée par le sexe. La caméra de Polanski est intrusive, elle filme cliniquement la frustration, l’angoisse. Les gros plans, les cadrages étranges racontent la vision déformée de Carole. Et comme le diable se cache dans les détails, Polanski capture des images et des sons obsédants : le lapin en décomposition, les pommes de terre germées, les sons des jeux de balle des religieuses, les gouttes d’eau.

Polanski fait de la très jeune Catherine Deneuve (elle n’a que 22 ans) une baby doll, mélange d’innocence et de perversion. Malgré le basculement dans la schizophrénie meurtrière, celle-ci garde l’apparence d’une blonde et douce jeune femme, portant un masque impassible.

« Déjà, dans ses films précédents, Polanski faisait s’opposer deux ou trois personnages. L’ironie des Mammifères et du Gros et du Maigre, la causticité du Couteau dans l’eau laissent ici la place à l’angoisse. Plus fulgurant apparaît donc le combat qui oppose Catherine Deneuve à elle-même. Polanski dévoile alors ce corps qui se tord, ces mains qui se crispent, ces élancements causés par la douleur, et de l’étude clinique poussée à l’extrême jaillit soudainement la beauté. »
(Bernard Cohn, Positif n°75, mai 1966)