Profils paysans : l'approche, le quotidien et la vie moderne

« J’ai passé mon enfance dans une ferme et j’ai mis du temps à prendre conscience de cette réalité, même si j’ai quitté cette ferme très tôt, à l’âge de 16 ans. Comme beaucoup de gens dans les années 60, j’ai un peu fui ce milieu par complexe, quelquefois même par honte. Ensuite, s’est installé tout doucement un phénomène inverse : j’étais fier d’être né dans une ferme.»

Raymond Depardon aura fait le tour du monde d'abord comme photo-reporter, puis armé de sa caméra, avant de se consacrer à son milieu d’origine. L’idée germe à la fin des années 1990 : un seul et unique film sur dix ans. Mais cette forme est incompatible avec les systèmes de production, ce sera donc trois films.

Pendant dix ans, Raymond Depardon, accompagné de Claudine Nougaret pour la prise de son, est allé à la rencontre de paysans de moyenne montagne. Dans une démarche à la fois d’ethnologue et d’artiste, il saisit la vie comme elle passe. La caméra fixe observe, elle filme le geste, la survie, les visages travaillés par le temps, la droiture, l’activité, l’attente. Une existence ascétique mais, pour autant, pleine et entière. 

L’écriture documentaire de Depardon est sans concession. Privilégiant les plans-séquences, il sollicite la parole et lui donne du temps, acceptant les silences et les moments en creux. Les plans moyens posent un regard frontal sur un monde en sursis, avec la distance du respect et de la confiance octroyée.

Entre le premier et le troisième volet, les relations ont changé : l’échange est pleinement installé, les sourires sont plus larges et les confidences plus inquiètes. L’image, elle, s’ouvre, englobant plus largement l'environnement.

Raymond Depardon a construit une œuvre forte et vibrante, traversée par le problème de la transmission, dressant un tableau du monde paysan où se mêlent les questions géographiques, historiques, sociales, économiques. Une œuvre entre cheminement intime et réflexion collective.