Place Vendôme

« Personne ne traverse la vie comme une comète insensible et tranquille. Chez tous les êtres, il y a une fêlure. Seulement, certains réalisateurs ne font que la suggérer et d’autres en font le cœur de leur œuvre, comme Téchiné ou Nicole Garcia. Pour une comédienne, rendre sensible cette fêlure, c’est s’approcher de la vérité. Lorsqu’on peint leurs faiblesses, les gens alors deviennent vivants, et délicats, et passionnants. » (Catherine Deneuve, Télérama, 7 octobre 1999)

Description balzacienne, dans le cocon feutré des grands palaces, du milieu glacé et opaque de la joaillerie, qui ne répond qu’à ses propres règles, Place Vendôme, troisième réalisation de Nicole Garcia, est une œuvre sombre aux accents de film noir. Les êtres sont las, seuls, manipulés et manipulateurs, certains en quête d’argent et de reconnaissance, d’autres fatigués de tout.

Mais ce récit policier est surtout le support d'une trame plus romanesque, laissant place à un film intimiste. Place Vendôme est le portrait d’une femme déchue, en proie à un chaos intérieur, rongée par une trahison passée. Souffrant de son mariage malheureux, elle est devenue l’enfant de son mari, un enfant que l’on habille et que l’on maquille lorsque l’on sort. Lorsque son mari meurt, elle revient à la vie. Face aux mystérieux diamants, elle retrouve des instincts de jeunesse, des gestes oubliés.

Dans ce film écrit pour elle par Nicole Garcia et Jacques Fieschi, Catherine Deneuve est Marianne. Avec ce rôle à contre-emploi, elle égratigne son image lisse de symbole national (elle est "Marianne" depuis 1985). Elle apparaît fragile, détruite, toute en tensions à peine perceptibles, tremblante face au manque. L’actrice est aussi fascinante dans sa descente aux enfers que dans ses sursauts de vie, emmenant avec elle une Emmanuelle Seigner féline, son double en devenir. Sa prestation fut récompensée à l’unanimité lors de la Mostra de Venise 1998.