Peau d'âne

Chef-d’œuvre visuel, chromatique, musical, Peau d’Âne n’a rien perdu de son pouvoir de fascination. Le film sort dans les salles françaises, à Noël 1970. Le charme opère. Le public lui réserve un accueil chaleureux, avec 2,2 millions d’entrées, et la critique chante ses louanges. 

Lorsqu’il tourne le film, Jacques Demy revient de San Francisco. Il a dans la tête une révolution pop art, un désordre psychédélique et coloré : Peau d’Âne est un véritable festival graphique d’inspirations pop, trempées dans le bleu Klein. Mais c’est surtout Jean Cocteau qui étend son ombre sur le film. Demy rend ici hommage au cinéaste, avec qui il partage bien des choses : ce goût de l’anachronisme joyeux, cette âme d’enfant, cette poésie étrange et surtout, la présence magistrale, souveraine, de Jean Marais. 

Face à ce roi incestueux, Catherine Deneuve, sublime, interprète la princesse à la beauté inégalée. « Lorsque j’ai lu le scénario de Peau d’Âne, explique-t-elle, j’ai retrouvé les émotions de la lecture d’enfance, la même simplicité, le même humour, et, pourquoi ne pas le dire, une certaine cruauté qui sourd généralement sous la neige tranquille des contes les plus féeriques. » 

Peau d’Âne, c’est aussi une recherche plastique dans tous les détails, un soin infini porté aux décors ainsi qu’aux costumes. On ne saurait oublier le travail d’orfèvre de Gitt Magrini, ses robes couleurs de Lune et de Soleil, mais également celle couleur du Temps, confectionnée dans une toile sur laquelle on projette, en 16mm, l’image mouvante d’un ciel bleu. 

Adaptation du conte de Perrault, le film captive petits et grands par sa fantaisie teintée de malice et par la grâce des chansons de Michel Legrand. D’apparence légère, Peau d’Âne est pourtant un conte transgressif par excellence : « Ce qui m’intéresse dansPeau d’Âne, c’est le côté pile et le côté face » déclare Jacques Demy. (Cinéma 9 n° 12, janvier 1971).