Manhattan

Tourné entièrement en décors naturels dans la ville du cinéaste, Manhattan est le portrait d’Isaac, intellectuel quadragénaire, angoissé, hypocondriaque, parano, perdu dans ses relations amoureuses. Heureux avec Tracy, étudiante très libérée, il fait cependant une fixation sur son très jeune âge. Et quand il rencontre l’exaltée et snobissime Mary, il en tombe amoureux. Le chaos sentimental est total.

Avec Manhattan, Woody Allen poursuit son chemin autobiographique – voire psychanalytique –, décrivant avec une douce amertume ses amours ratées et ses angoisses permanentes, au cœur de la faune intellectuelle new-yorkaise. Les situations sont subtiles, les dialogues drôles, les discussions, véritable fil conducteur de l’histoire, inépuisables.

Poursuivant une œuvre intimement personnelle, le film – de, par et avec Woody Allen – déploie les thèmes chers au cinéaste : l'insatisfaction de vivre, les femmes, l’écriture, le jazz (ici George Gershwin)… Et puis, il y a New York, LA ville, photogénique s’il en est. Brooklyn Bridge, l'Hudson River, Central Park, Greenwich Village et ce banc face au Queensboro Bridge, superbement saisis par le noir & blanc de Gordon Willis en un format Scope idéal. Manhattan est une ode passionnée à New York.

« Ce délire d’une civilisation sinistrée et bouillonnante, civilisation minée à l’endroit même de ses plus grands privilèges et pourtant pleine de curieuses promesses, semble être le terrain d’élection de l’humour dévastateur de Woody Allen. Il a le mérite d’aborder le sujet et les lieux sous des angles moins faciles. Il ne cède pas aux lois d’un spectacle fait de recettes éprouvées. Il filme avec brio mais sans complaisance un environnement oublié ailleurs et qui fait autant partie de New York que le Checker jaune de Robert De Niro ou le Chrysler Building. » (Pierre Maraval, Cinématographe n°53, janvier 1980)