Le Roi de cœur

Huitième long métrage de Philippe de Broca, Le Roi de cœur tient une place toute singulière dans l’œuvre du cinéaste. Cet ancien assistant de Claude Chabrol, fort de plusieurs succès commerciaux et internationaux avec Jean-Paul Belmondo, (Cartouche, L'Homme de Rio), monte sa propre maison de production. En 1966, il produit et réalise Le Roi de cœur, comédie personnelle et fantaisiste. À sa sortie en salles, l’œuvre déroute et connaît un échec, à la fois critique et public, qui affectera beaucoup le cinéaste. Outre-Atlantique pourtant, le film prend son envol. Une décennie plus tard, il mérite son appellation de film culte. 

Dans cette fable extravagante et poétique, Broca met en scène un touchant carnaval, mêlant le rêve à la réalité et le rire aux larmes. La superbe musique de Georges Delerue provoque ou souligne l’émotion discrète derrière le comique des situations. Le Roi de cœur tient de la parabole : dans une pirouette finale, le soldat Plumpick sonne, entièrement nu, aux portes de l’asile pour s’y faire admettre. Chez Philippe de Broca, les fous ne sont jamais ceux que l’on croit.

« Ce film d’équilibriste sur corde raide, seul dans le cinéma français le tandem Broca-Boulanger pouvait le faire sans trébucher. Fantaisie toujours à la limite du burlesque et du grinçant, divertissement en forme de conte philosophique à la Voltaire, monde fabuleux de déments vivant leurs rêves en liberté, visions oniriques souvent proches du plus pur surréalisme, tout cela devait nécessairement accrocher d’entrée le spectateur, afin qu’il participe à cette évasion dans un autre monde. (…) C’est que le rêve, la folie, la mort, ces autres côtés de la vie, bien peu de choses les séparent en vérité, et la clef pour y accéder nous est donnée à la dernière image : “Les plus beaux voyages se font par la fenêtre”. Que Broca et Boulanger nous aient largement ouvert cette fenêtre, c’est évident. » (Guy Braucourt, Cinéma 67 n° 113, février 1967)