Le Grand chantage

Au cœur d’un Broadway noir, un chroniqueur vedette dont les colonnes font et défont les carrières, règne en maître. Implacable, assoiffé de pouvoir, il n’a qu’une seule faiblesse : sa sœur Susan, de vingt ans sa cadette, à laquelle il est passionnément attaché. Dans cette faune de starlettes, de politiciens véreux et de flics corrompus, baigne Falco, prêt à toutes les bassesses pour entrer dans les bonnes grâces d’Hunsecker. Confrontation au sommet entre le grand Burt Lancaster, dans l’un de ses rôles les plus marquants, et Tony Curtis, en agent veule et sournois, qu’on a plaisir à voir ébranler son image de jeune premier hollywoodien.

Ambassadeur du célèbre humour loufoque anglais, Alexander Mackendrick a jusqu’alors excellé dans le registre de la comédie, avec Whisky à gogoou Tueurs de dames. Avec Le Grand Chantage, il livre un premier film américain d’une redoutable efficacité. Le cinéaste surprend par son sens du tragique et par sa mise en scène rigoureuse, lucide et sans artifices. 

Le Grand Chantage est l’adaptation d’une nouvelle d’Ernest Lehman, futur scénariste de La Mort aux trousses. La photographie est confiée à l’un des plus grands chefs opérateur hollywoodiens, James Wong Howe, qui compose une atmosphère nocturne et contrastée, traversée çà et là de faisceaux de lumière crue. Dans les coulisses sordides de la presse à scandale, se dessine une satire cruelle, mordante. Si le film est un échec commercial, il récolte néanmoins les éloges de la critique. Mackendrick signe un long métrage dans la plus pure tradition du film noir, et qui constitue la charnière de son œuvre : il ne tournera plus ensuite que des films dramatiques, comme le magnifique Un cyclone à la Jamaïque.