La genèse du Fleuve sauvage fut longue. Elia Kazan en a eu l’idée dès 1934/1935, alors qu’il rendait visite à un ami, chef d’une section communiste dans le Tennessee. Puis il lut le roman de William Bradford Huie. Il décida d'abord d’écrire son scénario seul. Mais au bout de trois moutures, c’est Paul Osborn, scénariste d'À l'est d'Eden, qui le reprit.
Selon les mots de Kazan, Le Fleuve sauvage est une « histoire primitive et biblique ». Une femme, Ella Garth – magnifique Jo Van Fleet – refuse le progrès et l’avenir au nom du passé. Insensible à la marche en avant du capitalisme, elle dirige sa ferme, ses fils et ses employés noirs d’une poigne de fer, comme l’ont fait ses ancêtres avant elle. Son présent est une simple prolongation de son passé. Face à elle, Monty Clift est Chuck Glover, employé idéaliste de la TVA, citadin débarqué dans une campagne hostile. Kazan organise une superbe opposition entre ces deux grands du cinéma américain. Entre eux, Carol (Lee Remick), veuve à 20 ans et mère de deux enfants, pour Kazan, « une jeune femme des années 50 égarée dans les années 30 ». Ancrée dans le présent et la réalité, elle est prête à tout pour s’en sortir, quitte à épouser un homme qu’elle n’aime pas.
Film sur le temps, Le Fleuve sauvage arbore, en Scope, des couleurs magnifiques, captant les sycomores dans le vent et les remous du fleuve. Poétique, le film n’en est pas moins réaliste. Poursuivant son histoire américaine, Kazan traite des sujets qui lui sont chers : la pauvreté, le racisme, le déracinement, les conflits de générations…
Cette « radiographie clinique de ces petites bourgades du Sud » (Pascal Binétruy) dégage une profonde humanité. Au point que Kazan, partisan du New Deal de Roosevelt, changera de point de vue : « Je découvris que mes sympathies allaient désormais à la vieille femme obstinée. Elle habitait sur l’île qu’on allait inonder et refusait d’être patriote. Je la soutenais à cent pour cent. » (Elia Kazan, Une vie, Grasset)
Le Fleuve sauvage (Wild River)
États-Unis, 1960, 1h50, couleurs, format 2.35
Réalisation : Elia Kazan
Scénario : Paul Osborn, d’après les romans Mud on the Stars de William Bradford Huie et Dunbar's Cove de Borden Deal
Photo : Ellsworth Fredericks
Musique : Kenyon Hopkins
Montage : William Reynolds
Décors : Walter M. Scott, Joseph Kish
Costumes : Anna Hill Johnstone
Production : Elia Kazan, Twentieth Century Fox
Interprètes : Montgomery Clift (Chuck Glover), Lee Remick (Carol Baldwin), Jo Van Fleet (Ella Garth), Albert Salmi (Hank Bailey), Jay C. Flippen (Hamilton Garth), James Westerfield (Cal Garth), Barbara Loden (Betty Jackson), Frank Overton (Walter Clark), Malcolm Atterbury (Sy Moore)
Sortie aux États-Unis : mai 1960
Sortie en France : 2 mai 1962
FILM RESTAURÉ
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