Alors que l’antisémitisme monte en Pologne, que la guerre gronde en Europe et que l’exposition intitulée Der ewige Jude (Le Péril juif ) se prépare, le réalisateur polonais Michal Waszynski va réaliser le film sans doute le plus représentatif du cinéma yiddish d’Europe centrale. Ce sont les studios Feniks qui lui demandent de porter à l’écran le plus grand succès du théâtre yiddish, Le Dibbouk, de Shalom Anski, lui-même inspiré du folklore juif.
Ce film étrange et ensorcelant conte l’histoire de Khonnen, un jeune homme qui, par désespoir amoureux, invoque les forces obscures de la Kabbale afin qu'elles lui octroient la fortune nécessaire à son union avec Leah. Il est foudroyé sur place. Mourant avant son heure, son âme revient habiter le corps de celle qu’il aime, afin de vivre les joies et les peines qu’il n’a pas vécues. Il est le dibbouk.
Visuellement marqué par le cinéma expressionniste allemand, Le Dibbouk est un film inclassable, empreint de religiosité, de fantastique, évoquant la frontière poreuse entre la vie et la mort et l’inévitable Destin. Un film véritablement hanté.
« De la première image – un chandelier allumé dans une synagogue – aux danses cauchemardesques et à l’exorcisme qui marquent son terme, Le Dibbouk baigne dans le religieux, le spirituel et la superstition. Son atmosphère et ses décors expressionnistes nous rappellent que Waszynski croyait bien dur comme fer en l’un de ses premiers mensonges lorsqu’il prétendait avoir été l’assistant de Murnau sur Nosferatu. Cette atmosphère dépasse le simple exercice du film d’épouvante, comme si, par la conviction qu’il met dans chacune de ses scènes, Waszynski finissait pas être persuadé des effets réels de son histoire de possession. » (Samuel Blumenfeld, L’Homme qui voulait être prince, Grasset). Possession, dédoublement… Des thèmes familiers pour ce réalisateur, Juif né en Volhynie, qui allait bientôt se faire passer pour un prince catholique et un aristocrate polonais, réécrivant sans cesse sa propre histoire...
Le Dibbouk (Dybuk)
Pologne, 1937, 1h48, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Michal Waszynski
Scénario : Alter Kacyzne, Marek Arnstein, Anatol Stern, d’après la pièce Le Dibbouk (Dybuk) de Shalom Anski
Photo : Albert Wywerka
Musique : Henekh Kon, Gershon Sirota
Montage : George Roland
Décors : Stefan Norris, Jacek Rotmil
Production : Zygfryd Mayflauer, Ludwig Prywes, Feniks-Film
Interprètes : Avrom Morevsky (le rabbin de Miropol), Lili Liliana (Leah), Leon Liebgold (Khonnen), Moyshe Lipman (Sender), G. Lamberger (Nissen), Isaac Samberg (le messager), Dina Halpern (Frade) Max Bozyk (Nuta), Shmuel Landau (Zalman), S. Branecki (Nachman), M. Messinger (Menasche)
Issu de la collection de Lobster Films (France)
Sortie en Pologne : 29 septembre 1937
Sortie en France : 13 mai 1938
FILM RESTAURÉ
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