Le Caméraman

Le Caméraman est le premier film de Buster Keaton au sein de la MGM, présidée par Nicolas Schenck, le frère de Joseph. C’est surtout le premier film que Keaton réalise loin de l’indépendance dont il bénéficiait jusque-là. Plus aucune improvisation n’est possible au sein du studio, et il y aura vingt-deux scénaristes à se pencher sur le berceau du Caméraman ! Cependant, malgré ces difficultés (ce sont surtout celles à venir qui détruiront le cinéaste), Le Caméraman est le plus grand succès commercial de l’œuvre muette de Buster Keaton, le film où son génie comique éclate plus que jamais : les courses fantastiques à travers New York au milieu d’une circulation trépidante, la bagarre dans Chinatown, la perte du maillot…

Le Caméraman fut imposé à Keaton par la MGM qui espérait en faire une publicité pour son studio en plein essor. Un homme rêve de rentrer à la MGM : ironie du sort pour un cinéaste qui s’y sent pris au piège dès les premiers instants. Réflexion sur le cinéma et sur le pouvoir des images, le film de Keaton interroge : la réalité existe-elle encore sans metteur en scène ? En intervenant, l’opérateur devient-il cinéaste ?

Ainsi, pour Antoine de Baecque, la séquence de la guerre des gangs à Chinatown « est un manifeste de son art cinématographique. Devant les spectateurs, Keaton apprend en même temps qu’il démontre : diriger une scène, filmer à la grue, modifier l’apparence d’un personnage… Le burlesque le plus ébouriffant devient une réflexion profonde sur l’art de l’auteur de film. » (Antoine de Baecque, Libération, 24 août 2005).