La Ville zéro

Peu connu en France, malgré plusieurs sélections cannoises et quelques récompenses internationales, Karen Shakhnazarov est un cinéaste anticonformiste à l’humour féroce, qui tient une place toute singulière dans le paysage cinématographique russe. Chez lui, la comédie n’a rien d’innocent.

Shakhnazarov brille déjà par son insolence, en 1987, avec Le Garçon de courses, comédie de mœurs grinçante sur l’adolescence. Deux ans plus tard, il présente son cinquième long métrage, La Ville Zéro, à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes.

Un homme descend du train dans une morose ville de province, et part à la recherche du directeur de l’usine locale. Très vite, ce Moscovite hagard, véritable antihéros, se trouve piégé dans un engrenage insensé : une secrétaire l’accueille entièrement nue, le directeur d’usine est mort depuis plusieurs mois, les rues sont des culs-de-sac… Impliqué malgré lui dans un étrange suicide, Aleksei se voit interdire de quitter la ville. Pour l’ingénieur, c’est le début d’un cauchemar éveillé. 

Dans cette fable excentrique, noire et insolite, où il allie sarcasme et discours critique drapé de comédie, Shakhnazarov met en scène les dérives d’un socialisme pris au pied de la lettre. Poussant la satire jusqu’à l’absurde, il livre une vision macabre de la société soviétique, aux accents buñueliens. 

La Ville Zéro est un film personnel et effronté, à l’image de l’œuvre de son auteur.