La Vie privée de Sherlock Holmes

Et si le grand Sherlock Holmes n’était pas celui que l’on imagine depuis toujours ? Billy Wilder, réalisateur, entre vingt autres films inoubliables, de Boulevard du Crépuscule, Sept ans de réflexion ou Certains l'aiment chaud, s’attaque, avec son coscénariste et complice habituel I.A.L. Diamond, au mythe créé par sir Arthur Conan Doyle. Avec l’ironie et l’insolence qu’on lui connaît, Wilder révèle la vie privée du héros : l’homme vit en "couple de célibataires" avec Watson, se méfie très fortement des femmes, a une addiction à la cocaïne, et n’a pas le nez si fin que ça… Sa réputation serait créée de toute pièce par Watson ! 

Cette variation autour du célèbre policier – sans adapter une seule ligne des aventures originales – est un véritable régal. L’Angleterre victorienne reconstituée par Alexandre Trauner a le charme de la désuétude, et les éléments décalés apportés à la biographie d’Holmes modernisent le mythe – au grand dam de la très britannique Société des amis de Sherlock Holmes. 

« Il paraît que le film a déçu à New York et qu’il a choqué à Londres. C’est le moment de justifier ce proverbe (inventé par les Français) qui veut que nous soyons le peuple le plus spirituel de la terre. Voilà un film intelligent, subtil, moqueur, plein de finesse, qui est à savourer. Il se passe dans l’Angleterre fin-de-siècle et victorienne ; la reconstitution est pleine de charme. Et c’est joué à la perfection par des acteurs peu connus de nous. […] Bravo donc à Robert Stephens (Sherlock) et à Colin Blakely (Watson). Bravo aussi à Geneviève Page, la belle et mystérieuse Madame Valladon. Réservé aux spectateurs de qualité. En êtes-vous ? » (Michel Duran, Le Canard enchaîné, 30 décembre 1970)