La Cité des dangers

La Cité des dangers est l’un des derniers films noirs de Robert Aldrich et une des rares escapades hollywoodiennes de Catherine Deneuve. C'est Burt Reynolds qui aurait exigé que le rôle féminin soit tenu par l’actrice française.

Réalisateur de Bronco Apache (1954), En quatrième vitesse (1955) et des Douze Salopards (1967), Aldrich retrouve son univers singulier, un monde poisseux où se croisent des personnages englués dans de sordides histoires, le cinéaste déconstruisant consciencieusement les mythes de la grande Amérique. Une sorte de désenchantement plane sur tout le film ; l’inspecteur Gaines n’attend plus rien, ne se fait plus aucune illusion sur ce que peuvent lui apporter la vie ou les gens. 

Dénonçant le pouvoir de l’argent, l’immunité des riches, les manipulations politiques, la justice à deux vitesses, Aldrich signe un polar âpre et violent, à la dimension quasi documentaire. Les dialogues sont crus et modernes, la sexualité exhibitionniste et tarifée. Pourtant La Cité des dangers est sans doute plus proche des films noirs de la grande époque que de ceux desseventies.

Mais ce qui intéresse Aldrich est davantage la dimension intimiste que l’enquête policière, et surtout la relation de Burt Reynolds et Catherine Deneuve, l’inspecteur et la call-girl. Si le duo flic/ prostituée a déjà été vu, celui-ci est différent. « Le cinéaste perturbe à dessein les représentations attendues : Deneuve n’est pas filmée comme une vamp mais comme une femme au foyer à la tendresse prodigue ; elle n’exhale pas le soufre des bas-fonds mais incarne le rêve d’une vie plus intellectuelle, plus européenne. L’irruption dans la continuité des plans d’une scène d’Un homme et une femme de Lelouch émeut, comme si le flic et Nicole, sa putain entichée d’Aznavour, étaient soudain parvenus à échapper à la disgrâce visuelle et morale qui les étouffe. » (Fabien Baumann, Positif n°655, septembre 2015)