La Chanson du cœur

Premier film parlant et chantant égyptien, La Chanson du cœur est une œuvre insolite et emblématique. Le film réunit des chanteurs égyptiens à succès comme Nadra et le compositeur Zakaria Ahmed, et des acteurs de théâtre prestigieux comme Georges Abiad, Dawlat Abiad et Abdel Rahman Roshdi. Les paroles des chansons sont écrites par le poète Khalil Moutran et l’écrivain Abbas al-Aqqad. Malgré cette brillante distribution, le film ne remporta pas le succès escompté.

Cependant, La Chanson du cœur lance un genre qui fera la fortune du cinéma égyptien durant plusieurs décennies : le film musical. Le public est immense : les classes populaires acclament ces films où elles retrouvent les vedettes de la chanson écoutées à longueur de journée sur les ondes ; les classes plus aisées y voient un rapprochement avec les productions hollywoodiennes, les célèbres musicals. Le "cinéma chanté" devient rapidement aussi un "cinéma dansé", fidèle à la tradition artistique pratiquée dans les familles égyptiennes.

Jusqu’aux années 1960, des centaines de films musicaux seront produits sur le sol égyptien, avec les vedettes les plus populaires du moment. Nadra tournera dans de nombreux films et retrouvera le cinéaste Mario Volpe dans La Chanson de la radio (Oun choudattou a radio) en 1936, qui fera d’elle une grande figure populaire égyptienne.

Régnant sans partage, ce cinéma égyptien fut projeté sur tous les écrans du monde arabe. Aujourd’hui, pour Magda Wassef, historienne du cinéma arabe et directrice artistique du Festival international du Film du Caire, « la nostalgie des Égyptiens à l’égard de leur cinéma en noir & blanc est un véritable phénomène de société. Les plus anciens se remémorent le bon vieux temps de leur jeunesse, dans une Égypte cosmopolite, tolérante et moderne. » (Cinémathèque française)