Hanté par l’hécatombe de la Grande Guerre, Abel Gance signa, dès 1919, un premier J’accuse, reprenant le titre du célèbre article de Zola défendant Dreyfus. Le film, muet, est tourné sur les ruines encore fumantes du conflit. Près de vingt ans plus tard, sentant la guerre poindre de nouveau, Gance filme une version actualisée de J’accuse. Il retrouve son personnage de Jean Diaz, mutilé lors du premier conflit et retiré près de Douaumont, « là où la vie s’est arrêtée ». L’homme, à demi-fou, s’engage dans une lutte pour la paix.
Le cinéaste est persuadé de la portée pacifiste de son projet. Ainsi s’exprimant en juillet 1937 dans la revue Cinémonde : « Au lendemain de la guerre, on parlait des États-Unis d’Europe. L’Europe aujourd’hui est divisée en deux blocs rivaux. Nous respirons un air empoisonné et nous dormons sur des millions de tonnes d’explosifs. N’est-il pas du devoir de tous ceux qui peuvent toucher un large public, qu’ils soient orateurs, écrivains ou cinéastes, de dénoncer les dangers qui nous environnent ? […] Ne sommes-nous pas, tous, un peu responsables de l’état des choses actuel ? » (Cinémonde n° 454, cité par Laurent Véray, 1895 n° 31, octobre 2000)
J’accuse est, dans un souffle lyrique, un réquisitoire contre la folie de la guerre, un poème visionnaire, une incantation pour la paix. L’ultime mise en garde viendra de l’ossuaire de Douaumont. « Morts de Verdun, levez-vous ! Je vous appelle ! » exhorte Jean Diaz. Aussitôt, les combattants, telle une armée des morts de toutes les nationalités, sortent de leurs tombes. Une scène saisissante, où les personnages, interprétés par les "gueules cassées" de 14-18, marchent sur les vivants.
« Je dédie ce film aux morts de la guerre de demain qui sans doute le regarderont avec scepticisme sans y reconnaître leur visage. » Ce sont avec ces mots que Gance paraphait son scénario en 1937. Lucide sur la réalité du conflit qui allait s’abattre sur l’Europe, le cinéaste n’en était pas moins convaincu de l’urgence de son combat. Ainsi la brochure publicitaire de J’accuse martelait : « Il ne peut pas être vrai que le sacrifice de millions d’êtres humains, dont les corps refroidis ne sont pas tous encore pourris, ait été vain. » Des mots d’une cruelle actualité.
J’accuse
France, 1938, 1h44, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Abel Gance
Scénario : Abel Gance, Steve Passeur
Photo : Roger Hubert
Effets spéciaux : Paul Minine, Nicolas Wilcke
Musique : Henri Verdun
Montage : Madeleine Crétolle
Décors : Henri Mahé
Production : Abel Gance, Société Forrester-Parant Productions
Interprètes : Victor Francen (Jean Diaz), Line Noro (Edith), Jean Max (Henry Chimay), Marcel Delaître (François Laurin), Renée Devillers (Hélène), Mary-Lou (Flo, la chanteuse), André Nox (M. Pierrefonds)
Sortie en France : 22 janvier 1938
FILM RESTAURÉ
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