Débutant à 17 ans avec un court métrage, Saute ma ville (1968), Chantal Akerman a touché à tout : court et long métrage, fiction et documentaire, mais aussi écriture, installations… S’affranchissant de toutes les normes et de tous les genres, elle a construit une œuvre personnelle particulièrement intense, interrogeant à la fois l’intime et le monde.
Au début des années 1990, tout un continent s’est soudain ouvert après la dislocation du bloc soviétique. Chantal Akerman prend la route jusqu’à la Russie : « On est parti vers l'inconnu. On roulait et dès que je voyais quelque chose qui m'intéressait, on s'arrêtait pour filmer. On a traversé l'ex-Allemagne de l'Est, la Pologne, la Moldavie, la Lituanie... On a fait le film en trois fois. La dernière, à Moscou, on a éclairé les lieux, posé des travellings. À la fin, cela devenait une superproduction ! Après coup, je me suis rendu compte que ces files d'attente dans le froid me rappelaient les camps ; ces gares, la guerre... Ce qu'on filme dans un documentaire n'est pas forcément ce qu'on voit, les images ont un sens secret et évoquent d'autres choses. »
Chantal Akerman filme ce qui la touche et capte l’immensité des plaines, les villes inconnues, les visages. Véritable journal filmé – bien que son auteur n’apparaisse pas à l’image –,
D’Est, film sans commentaire, ne laissant transparaitre que de simples échos sonores, est une contemplation mélancolique. Deux ans plus tard, Chantal Akerman réalisera D'Est, au bord de la fiction, installation vidéo issue des images tournées pour le film.
« D’Est est une traversée de longue haleine, où le spectateur, tel un voyageur, est tour à tour fatigué, entreprenant, attentif ou absent. On passe de l’été à l’hiver, de la plaine à la ville, des faubourgs à la mer, de la Pologne à la Russie, sans que tous ces lieux et ces passages d’un pays à l’autre ne soient explicitement mentionnés. Le spectateur est à la fois guidé et abandonné à lui-même, à ses pensées, à sa curiosité. » (Jacques Morice, Cahiers du cinéma n° 472, octobre 1993)
D’Est
Belgique, France, Portugal, 1993, 1h55, couleurs, format 1.37
Réalisation & scénario : Chantal Akerman
Photo : Bernard Delville, Raymond Fromont
Montage : Claire Atherton, Agnès Bruckert
Production : François Le Bayon, RTBF, Lieurac Productions, Paradise Films, Radiotelevisão Portuguesa
Présentation au Festival de Locarno : août 1993
Présentation au Festival de Toronto : 16 septembre 1993
Présentation au Festival de Berlin : 17 février 1994
FILM RESTAURÉ
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