Deep End

À la suite de l’interdiction de son film Haut les mains ! par la censure, Jerzy Skolimowski quitte la Pologne. Depuis quelques années, Londres fascine les réalisateurs étrangers (Répulsion de Polanski, Blow-Up d’Antonioni…). Skolimowski décide d’y installer l’action de Deep End, qui sera tourné entre Londres et Munich.

Invisible depuis de très nombreuses années, Deep End est le récit initiatique d’un adolescent, une fable sur l’amour, le désir et la frustration. Entre onirisme et réalité pessimiste, le film fait de la piscine un univers clos où la promiscuité et la nudité des corps fascinent, mais aussi un espace mental d’amour et de mort.

Dans ce film d’atmosphère, la composition picturale est fantastique, les couleurs puissantes. Outre cette recherche plastique, le cinéaste, également poète et peintre, effectue un grand travail sur le son, entre le populaire Cat Stevens et l’avant-gardiste krautrock Can.

Peinture crépusculaire de la Swinging London finissante, où la révolution sexuelle débouche sur la marchandisation des corps et des sentiments, Deep End envoûta de nombreux spectateurs, dont le jeune Étienne Daho qui, lors de la ressortie du film, s’interrogeait encore sur cette fascination : « Qu’est ce qui m’a touché dans Deep End ? L’écriture imprévisible, comme dans la vraie vie, cocasse et tragique ? L’identification à l’absolutisme de l’adolescent timide, obsessionnel et idéaliste ? La déception, l’idée que le désir c’est mieux avant qu’on ne concrétise… L’amour physique est sans issue ? […] L’imper jaune et les cheveux orange de Jane Asher dans la neige, superbe ? Le diamant, la bouilloire, la fin sublime et surréaliste, la silhouette en carton de Jane Asher dans la piscine ? Les corps nus dans l’eau ? […] Le son envoûtant de la piscine aux atmosphères lourdes qui sèment le trouble ? » (Libération, 13 juillet 2011)