Femmes

« Les femmes entre elles » pourrait être le sous-titre de Femmes de George Cukor. Bien qu’écrit par deux femmes (Anita Loos et Jane Murfin), adaptant la pièce d’une troisième (Clare Boothe), le film ne relève pourtant pas de la catégorie « film féministe ». Les femmes y courent de salons de beauté en boutiques, parlent des hommes – et des autres femmes –, tentent de se rassurer sur leur pouvoir de séduction, et se crêpent le chignon. Volontiers vachard et caricatural (le générique est une ménagerie…), Femmes est peu charitable pour la gent féminine. Et pourtant, il dépoussière le modèle américain de la femme derrière ses fourneaux. Ici elles aiment, remettent en question leur union, et divorcent aisément à Reno. 

George Cukor ne met aucun homme à l’écran – ni même aucun animal de sexe masculin. Il s’entoure d’un casting des plus éblouissants : Paulette Goddard en ambitieuse voleuse de mari, Rosalind Russell en riche bourgeoise colporteuse de ragots, mais aussi Joan Fontaine ou Joan Crawford. Chaque personnage est inspiré par l’actrice qui l’interprète – occasion de tirer profit de la rivalité entre Norma Shearer et Joan Crawford. Car au centre de ces femmes qui vampent les hommes, les plaquent, les achètent ou les subissent, il y a celle qui n’en aime qu’un seul, le perd et finalement décide de le reconquérir : c’est Mary, interprétée par Norma Shearer. On pensait celle-ci finie après le décès en 1936 d'Irving Thalberg, son producteur et mari, à qui elle devait sa carrière. Il n’en est rien. « Norma Shearer joue son dernier grand rôle […]. Elle est meilleure que jamais en femme sophistiquée qui perd son mari au profit de Joan Crawford mais parvient finalement à le lui reprendre, tant celle-ci fait un mauvais usage de sa victoire. […] Entourée de ses volcaniques amies Rosalind Russell et Paulette Goddard ou de la fragile Joan Fontaine, Norma Shearer est un îlot de bienveillance et de dignité. Son personnage est semblable à celui qu’elle jouait dans The Divorcee, mais elle l’habite avec davantage de consistance et d’autorité. » (Antoine Sire, Hollywood, la cité des femmes )