Posté le 23.08.2016 à 11H36
« Tous mes films sont des westerns », a souvent répété Walter Hill. Donc violents, mutiques, mythiques… La poursuite initiale, assez époustouflante, de Driver (1979) – que Nicolas Winding Refn a évidemment vue et revue avant de réaliser Drive -, ce ballet de voitures dans New York désert, où la conduite devient une science nécessaire pour sauver sa peau, renvoie, bien sûr, aux cavalcades du western classique, où le meilleur cavalier, le plus rusé aussi, l’emporte....
Quand les montures, pardon les voitures, malmenées par leurs conducteurs, raclent l’asphalte et lâchent des étincelles, on dirait des chevaux qui hennissent. Et le flic Bruce Dern n’appelle le « driver » Ryan O’Neal que du nom de « cow-boy » - dans sa logique d’archétypes, Walter Hill n’a pas voulu baptiser ses personnages… Plus tard, quand il réalisera de vrais westerns, Le Gang des frères James (1980), Geronimo (1993), Wild Bill (1995), le cinéaste choisira des personnages historiques, aux destins célèbres. C’est dans la contrainte du « biopic » qu’il trouvera sa liberté.
Walter Hill est né en 1942. Trois ans de moins que Coppola, dix mois de plus que Scorsese. Membre de la bande du « Nouvel Hollywood », si tant est qu’elle ait existé ? Un peu à l’écart, plutôt : eux veulent s’imposer en révolutionnant le cinéma américain, le rendant plus moderne et plus réaliste, lui ne rêve que d’abstraction et de films de genre, fasciné depuis l’adolescence par le cinéma japonais et Kurosawa en particulier – Dernier recours, en 1996, avec Bruce Willis, est un remake transposé de Yojimbo, Le Garde du Corps, de maître Akira. Comme Coppola – mais moins précocement - il s’impose d’abord comme scénariste, avec Le Guet-Apens, pour Sam Peckinpah (1972) puis une version du script d’Alien, de Ridley Scott (1979) – s’il n’est au final crédité que comme producteur, c’est lui qui a eu l’idée de faire de Ripley une femme…
Entretemps, il est passé à la mise en scène. Avec des films qui frappent par leur goût de l’épure, de l’intemporel et leur sens de l’action impeccablement chorégraphiée. Au début des années 80, l’hebdo Saturday Review le colle en couverture aux côtés de Schrader, De Palma, Scorsese. Le titre : « Les Apôtres de la violence ». Il faut dire que la sortie des Guerriers de la nuit (1979) ne lui a pas fait une très bonne publicité. Cette utopie ultra-violente de New York livrée aux bandes de jeunes - mais librement adaptée de l’Anabase de Xénophon, moins 370 avant JC, ce qui dit bien son inactualité – a provoqué des rixes dans les cinémas où se retrouvent, bien involontairement, les membres de gangs rivaux. Du coup, les exploitants ont lâché le film, qui sera même un temps interdit en France…
Walter Hill se refera une santé (économique) avec 48 heures (1982) et 48 heures de plus (1990), ses deux plus gros succès : polars jouissifs, inventions du « buddy movie » - le film où deux personnages très différents sont obligés de cohabiter, pour le plus grands plaisir des spectateurs. Nick Nolte et Eddie Murphy y sont irrésistibles. Quand il s’agit de tirer le meilleur d’une brute, voire de lui donner un léger supplément d’âme, Walter Hill est là : Bruce Willis, Schwarzie, Stallone ont fait appel à ce polisseur de scènes d’action « à l’ancienne » - comprenez plus analogiques que numériques. Le prochain « tough guy » est une « girl », ou presque : ce sera Michelle Rodriguez en tueur transgenre dans (Re) assignment, probablement prêt à l’automne. Une certaine impatience, moyennement avouable, nous envahit…