Park Chan-wook
Une histoire de la violence


Posté le 14.10.2016 à 11H30



Singulier, c'est ainsi qu'est présenté et défini à très juste titre par Thierry Frémaux le cinéaste sud-coréen tout à fait mystérieux Park Chan-wook. Propos d'une master class venue d'ailleurs...

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© Institut Lumière / Photo Bastien Sungauer

 

 

"Il y a beaucoup d'éléments très violents dans mes films, et je fais toujours attention à ne pas abuser. Je vous assure que je ne m'amuse pas à utiliser ces élément ! Je pourrais plutôt dire que je n'évite pas les sujets violents. La violence est un sujet qu'on ne peut éviter quand, comme moi, on écrit sur les humains, la société. Je pense juste que les êtres humains peuvent être élégants, comme ils peuvent être très vils, et je veux décrire les humains avec cette violence et cette élégance."

 

"J'ai eu mes moments de vie cinéphile quand j'étais jeune, mais ça n'a pas duré très longtemps, pas par manque d'envie, mais par manque de temps. Je vous envie, spectateurs de Lyon, d'aller voir tous ces films pendant le festival. Depuis que je suis ici, je passe beaucoup de temps avec mon épouse dans ma chambre d'hôtel à hésiter entre plusieurs films et hésiter tellement, tellement, que finalement il est alors trop tard pour sortir !"

 

"Je ne suis pas issu d'une école de cinéma. Enfant, je n'avais pas de cinémathèque en Corée. Je n'ai pas pu m'éduquer cinématographiquement comme je l'aurais voulu, mais j'ai vu heureusement beaucoup de films français au centre culturel français de Corée. A l'époque il y avait beaucoup de censure dans mon pays, on ne pouvait pas voir Le Dernier Tango à Paris (B. Bertolucci, 1972) par exemple. J'ai regardé tous les films ce qui me tombaient sous la main, je n'avais pas le choix à l'époque. On ne pouvait pas regarder des films japonais car la culture japonaise était interdite en Corée, pareil pour les films venant de Russie et du bloc soviétique, nous vivions sous une dictature."

 

"Il y a deux problèmes majeurs en Corée : c'est un pays divisé et il y a un problème de classes sociales. J'ai déjà traité de ces deux sujets dans mes films notamment celui du conflit des classes sociales qui a influencé Lady Vengeance (2005). Les Coréens ont vécu la guerre et on a su s'en sortir et développer une croissance économique incroyable, et imposer la démocratie en même temps. Cela fait notre fierté, mais, pour en arriver là, on a dû sacrifier beaucoup de choses et ce genre de développements peut parfois ne pas coexister avec nos valeurs traditionnelles et du coup tous ces problèmes de la société coréenne transpirent dans tous mes films."

 

"Je suis né dans une famille de catholiques et jusqu'à mon adolescence je suis allé à la messe tous les dimanches. Il ne faut pas associer la violence de mes films à mon côté catholique. Mais, quand j'allais à la messe, on me donnait des petites cartes avec des scènes sacrées dessinées dessus. Et comme j'aime l'art je collectionnais ces cartes que je trouvais très belles. Mais ces peintures montraient des scènes de sacrifices et ça me dérangeait, notamment des scènes de tortures et d'exécutions. Imaginez moi, petit enfant, en train de regarder ces scènes d'exécutions, à en devenir complètement obsédé, alors peut-être qu'à cause des catholiques, je suis devenu comme ça ! J'étais très impressionné par Saint-Sébastien en extase, nu avec des flèches plein le corps. Cette image a certainement hanté mon esprit et peut-être mon film Thirst, ceci est mon sang (2009)."

 

"Je suis souvent attiré par les héroïnes avec des tempéraments assez forts. C'est le cas de mon dernier film Mademoiselle (2016), le dialogue avec les actrices est plus facile. Comme je vis heureusement avec mon épouse et ma fille, je suis plus à l'aise avec des films qui relatent des relations amicales entre les femmes."

 

Propos recueillis par Virginie Aspiou

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