Posté le 22.09.2016 à 11h
Du mélodrame en cinémascope, du burlesque qui laisse sans voix, de la comédie collégiale, du thriller revanchard, du documentaire érudit... Au festival Lumière, il y en a chaque année pour tous les goûts. Même les plus inavouables. Coup d'oeil sur cinq films de la programmation 2016 qui ont fait ou auraient pu faire les beaux jours des cinémas de quartier.
S'il ne faut voir qu'un film de Bruce Lee, c'est celui-ci. Tout simplement car il y est au meilleur de sa forme physique et chorégraphique, dans le rôle d'un HongKongais débarqué à Rome pour aider un restaurateur victime de racket. Un scénario expéditif typique de la filmographie de la légende martiale, prétexte à une succession de morceaux de bravoure qui doivent autant au contexte du tournage (souvent à la sauvette, avec des malfrats habillés en danseurs de disco) qu'à la conscience qu'avait alors Bruce Lee de son talent et de son charisme – pas un hasard s'il occupe ici, pour la seule et unique fois de sa trop courte carrière, les postes de producteur, scénariste, réalisateur et, donc, d'acteur principal. À part cela, c'est aussi le seul film où le parangon d'invincibilité Chuck Norris se prend une rouste (au Colisée s'il vous plaît).
Après Vixen et avant Supervixens, Russ Meyer confirmait avec ce mélodrame musical son statut de cinéaste "gonflé" et de figure de proue de la sexploitation. Dans Hollywood Vixens, de son titre original Beyond the Valley of Dolls ("doll" désignant ici un médicament destiné à controler la libido), on suit les mésaventures d'un trio rock'n'roll 100% féminin lancé à la recherche d'un héritage, entre concerts littéralement orgiaques, rivalités managériales et abus de substances. L'occasion, pour le chéri de ses dames à forte poitrine, d'assouvir ses penchants joyeusement lubriques, mais aussi et surtout de se livrer à une satyre irrévérencieuse du show business. Laquelle a depuis trouvé écho chez nombre de héros de la culture pop, de Michael "Austin Powers" Meyers au groupe The Fall.
Dans l'espace, nul ne vous entendra crier (même en tchèque). Nul ne vous entendra non plus piaffer d'admiration devant ce film séminal. Séminal par sa plastique, un noir et blanc magnifiquement contrasté que relèvent des effets spéciaux en avance sur leur temps (les vues de l'espace valent le détour à elles seules). Mais aussi par son traitement. Car Ikarie XB 1 n'est pas tant un space opera qu'un huis clos questionnant la moralité des 48 scientifiques embarqués sur le croiseur éponyme, direction Alpha Centauri. Rien d'étonnant lorsque l'on sait que, à l'instar du Solaris de Andreï Tarkosvki, il est adapté d'un roman du Polonais Stanislaw Lem, le maître de la science-fiction à dimension humaine. De Stanley Kubrick (2001)à Danny Boyle (Sunshine), nombreux sont en tout cas les cinéastes qui ont propulsé des vaisseaux dans le sillage de cette odyssée spatiale.
Qu'on se le dise, ces drôles de dames ne sont pas là pour supplanter les autorités, mais bien pour leur donner du fil à retordre. Les créatures féroces dont il est question ici sont en effet des tueuses dont la détermination n'a d'égale que la candeur avec laquelle elles mettent leurs basses oeuvres à exécution – et la volupté que suggèrent leurs silhouettes, le plus clair du temps surlignées par de simples bikinis. Heureusement, un homme va se dresser contre elle : Hugh Drummond, courtier en assurances le jour (!), enquêteur la nuit et, de fait, variation auto-dérisoire sur le prototype "bondien" de l'espion britannique. Un petit bijou de fiction pulp, courtoisie du monteur repenti Ralph Thomas.
Il manque à l'appel du programme Universal Monsters, mais il n'est pas absent du festival pour autant. Nous parlons du très folklorique loup-garou, ici interprété par Jack Nicholson, spécialiste ès rôles à personnalité impulsive s'il en est (Shining, Vol au dessus d'un nid de coucous), d'après un scénario sur-mesure de son ami Jim Harrison. Ou plutôt d'après un cauchemar si prenant que le romancier, mordu par un loup qu'il venait de renverser, a cru à son réveil être doté d'attributs lycanthropes. Dans Wolf, c'est un éditeur qui est contaminé de la sorte. L'occasion, pour Mike Nichols, de signer un conte fascinant et quasiment taoïste dans ce qu'il dit de la dualité du monde et des hommes.