Posté le 10.10.2016 à 12h
Comme chaque année, le festival fête les femmes de cinéma qui, devant ou derrière les caméras ont montré la voie. L'actualité 2016 est riche en découvertes. Ces femmes particulières et réelles, cousines pas si lointaine de l'active Catherine Deneuve, prix Lumière 2016, s'exposent à Lyon sous toutes les formes : des films, un cycle, un documentaire et un livre somme !
Le documentaire Et la femme créa Hollywood de Clara et Julia Kuperberg ouvre la voie avec une série de témoignages étonnants dont celui de Paula Wagner, l'alter ego de Tom Cruise qui produit quelques-uns des blockbusters actuels les plus performants, ou celui de Margaret Booth, qui travailla avec Griffith et Louis B. Mayer en toute indépendance. On retrouvera aussi l'implacable Lillian Gish dans une interview datant de 1983, qui révèle que, bien qu'âgée, la détermination de cette petite femme au visage si beau et si dessiné, pour parler franc sur le travail à Hollywood, n'avait pas bougé avec les ans.
Au milieu des images d'archives, on découvre alors qu'avant 1920, il y avait un nombre de femmes hallucinants qui travaillaient à Hollywood en tant que productrices, scénaristes, réalisatrices, actrices... Le cinéma n'était pas encore une industrie mais un terrain d'expérimentation marrant où tout était possible puisque rien n'existait encore ! Personne ne se méfiait, et surtout personne ne prenait tous ces petits jeux au sérieux. Une liberté de courte durée et même mise en pièce avec l'arrivée du succès.
C'est ce qui est passionnant dans ce documentaire, cette façon de décrypter l'histoire et de montrer comment, quand le cinéma est devenue une industrie, une machine ultra rentable, les femmes ont été écartées par des hommes qui ont repris les postes et fait fructifier ce filon plus que prometteur. Et les femmes alors ? Elles se sont mises essentiellement devant l'écran et ont créé en cachette, comme l'incoercible Mae West qui sous des allures physiques débordantes, qui bouffaient littéralement l'écran, écrivait aussi au passage les scénarios de ses films.
Et la femme créa Hollywood revient aussi sur les destins un peu oubliés mais néanmoins forts des pionnières comme Lois Weber, réalisatrice qui créa un studio à elle toute seule, ou la très étrange et retorse Dorothy Arzner auquel Lumière consacre un cycle en sept films, dont Merrily We Go to Hell (1932) une version sarcastique et vaillante de Soupçons (Suspicion, 1941) d'Hitchcock avant l'heure ! Une dramédie conjugale avec la comédienne Sylvia Sidney au regard joliment battu, mais qui révèle de bonnes surprises à son époux perpétuellement ivre et sans colonne vertébrale qu'elle a le bonheur d'aimer.
Sylvia Sidney, on la retrouve dans le livre somme d'Antoine Sire (fils du déjà passionnant homme de radio et de récit Gérard Sire) : Hollywood, la cité des femmes (Acte Sud). Une série de portraits au féminin, soit 1200 films vus, plus de 300 livres consultés, des analyses et des détails sur des femmes, des femmes et des femmes ! En vingt chapitres tous savamment titrés, Antoine Sire « portraitise » Jean Artur et sa voix nasale, comédienne énervée, mangée par le trac, la filiforme infernale Barbara Stanwyck, ou Joan Crawford si bien titrée « l'ouvrière de l'usine à rêves ». Un long dossier est consacré à juste titre à l'exophtalmée Bette Davis, ou la très carrée Thelma Ritter ! Un livre, oui, une référence déjà.
Des trésors minutieux à découvrir !
Virginie Apiou