Posté le 09.10.2016 à 11H35
Jerry Schatzberg a un site officiel où l'on peut découvrir ses sublimes photos et bien d'autres choses encore. Rien de plus normal quand on découvre le travail aussi profond de cet artiste new yorkais, et homme paradoxalement admirablement discret et fidèle. Fidèle notamment au festival Lumière.
© Institut Lumière / Photo Olivier Chassignole
Cette année, il faut découvrir l'un des joyaux de la filmographie de l'américain : Panique à Needle Park (1971), qui révéla un Al Pacino petite boule de cheveux enturbannée aussi vivante que camée, et par ailleurs l'un des seuls films où l'acteur sourit, vraiment. Panique à Needle Park compte parmi la fine fleur des films indépendants new yorkais avec leurs personnages en rade, admirablement vêtus de pulls plus ou moins collants et autres vestes désinvoltes, héros échoués entre une chambre à tête de lit glauque et rues assassines à l'héroïne. Schatzberg filme ce milieu junkie avec son graphisme délétère et gluant dont on ne peut sortir. Il ne s'agit pas pour le cinéaste de rendre tout cela exotique, ou de porter une quelconque leçon de morale, mais d'être là.
Ce sens de l'humain, du besoin d'un autre, à grand renfort de petits regards merveilleux jusque dans le sordide que se portent les deux jeunes héros de Panique à Needle Park, c'est une marque de fabrique et du talent de Schatzberg. On le retrouvera alors dans le phénoménal L'Epouvantail (Scarecrow, 1972), Palme d'Or 1973 au festival de Cannes. Toujours la même vision de l'Amérique à même le sol, mais loin de la ville, une traversée fantastique avec un Al Pacino yeux bruns en demande, face au grand Gene Hackman à la fois encombré mais intrigué par ce jeune homme instable qu'il va trimbaler derrière lui comme un colis sur pattes.
Restera alors une dernière correspondance à faire absolument avec Panique à Needle Park, puis L'Epouvantail : The Day the Ponies Come Back (2000), dernier film réalisé à ce jour par Schatzberg, cinéaste toujours en quête. New York est toujours là mais Pacino est trop vieux pour reprendre du service en jeune héros sensible qui arpente les rues grises de la ville. Ce sera alors Guillaume Canet qui reprend le flambeau. Humble, chemise au vent, le comédien français sait qu'il travaille et joue pour l'homme de Panique à Needle Park. La modestie intelligente de Canet opère alors, elle rejoint Pacino. Tous deux aiment Schatzberg.
Courez voir Panique à Needle Park !
Virginie Apiou