Posté le 12.10.2016 à 11H
© Institut Lumière / Photo Jean-Luc Meige
« Non mais je ne vais pas entendre des conneries toute ma vie ! Recevoir des leçons imbéciles jusqu’à la fin des temps ! Ecouter un écrivain qui n’écrit rien, un boxeur qui ne veut pas boxer, des bonnes femmes qui couchent avec n’importe quoi… Merde !... Et quand on sera partis, celui-là qui va rester avec sa danseuse qu’a une jambe mécanique ! Qu’est-ce que j’en ai à foutre ? (…) Je vous emmerde tous avec vos dimanches et votre gigot à la con, merde ! » C’est la désormais fameuse « tirade du gigot ». A l’instar de « Tu me fends le cœur » ou encore « Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? », elle est entrée dans notre patrimoine cinématographique. Pour toujours et à jamais.
Avec cette différence que son auteur est, lui, bien vivant et follement acclamé au moment où Thierry Frémaux l’invite à rejoindre la scène de la Comédie Odéon pour une master class aux côtés de Jean Ollé-Laprune en modérateur savant. Avec son élégance naturelle et sa faconde de Méditerranéen feutré, Jean-Loup Dabadie n’occulte aucune des questions auxquelles il répond avec chaleur, rigueur et clarté sans omettre d’y glisser quelques savoureuses anecdotes. Ainsi reprennent vie ses interlocuteurs devenus mythiques et présents sur les écrans du festival (Romy Schneider, Yves Montand, Michel Piccoli…) comme dans la salle, à l'instar de Guy Bedos, lui aussi chaleureusement ovationné.
Qu’apprend-on au juste dans ce genre de rencontres ? Que, par exemple, derrière cette fameuse tirade du gigot qui semble érupter spontanément du gosier d’un Piccoli en surchauffe, il y a un script d’une précision folle où tout se joue à la virgule près ; intentions de directions des regards comprises. Savoir que derrière cette voix douce et ce sourire désarmant de gondolier chantant se cache un travailleur acharné à qui Paul Guimard, l’auteur du roman Les Choses de la vie, peut demander chaque soir de vacances, de retour de ses virées paisibles en mer, « Alors coco, on en est où ? », ce qui ne l’empêchera pas de cosigner le scénario !
Enfin lorsque nous lui demandons s’il avait conscience de donner à sa toute première chanson écrite pour Serge Reggiani, Le Petit Garçon, la dimension visuelle d’un court-métrage, il révèle que contraint par le temps - comme pour un délai de bouclage - il se souvint de l’approche journalistique de la retranscription des faits que lui avait enseigné l’immense Pierre Lazareff et se replongea dans un de ses scénarios écartés, à la recherche d’une idée…
Pierre Collier