Disparition du cinéaste polonais
Andrzej Wajda


Posté le 10.10.2016 à 10h


 

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Pour comprendre l'impact d'Andrzej Wajda, mort dimanche à 90 ans, sur le cinéma mondial, il faut se replonger trente-cinq ans en arrière. Se rappeler comment L'Homme de fer avait été le "film-surprise" du Festival de Cannes 1981, arrivé clandestinement à Cannes, déjouant les pièges de la censure, et finalement couronné par une Palme d'or. Le syndicat Solidarité défiait la Pologne de Jaruzelski qui, bientôt, allait décréter l'état d'urgence... Un cinéaste défiait le pouvoir communiste.

A 55 ans, Andrzej Wajda était alors le plus grand réalisateur polonais - puisque Polanski et Skolimowski avaient choisi l'exil. C'était un enfant de l'Histoire - avec un grand H. Résistant à 16 ans, orphelin d'un père tué par la police soviétique à Katyn - massacre auquel il finira par consacrer un film en 2007. Formé à la célèbre école de Lodz (prononcez "woudg", si vous voulez avoir l'air de vous y connaître), révélé par Cendres et diamant (1958), chronique d'une après-guerre fratricide (déchirements sanglants entre communistes et nationalistes), Wajda est alors un jeune cinéaste néo-expressionniste, cherchant à donner à ses images une puissance symbolique et poétique. 

Il sera ensuite, au gré de ses cinquante et quelques réalisations, un chroniqueur élégiaque (Le Bois de bouleaux, 1970, Les Demoiselles de Wilko, 1979), un filmeur-caméra au poing de son pays en colère (de L'Homme de marbre, 1977 à L'Homme du peuple, 2013, sur Lech Walesa), etc. C'est pendant la dictature de Jaruzelski qu'il signe son film le plus célèbre en France : Danton (1983), avec Gérard Depardieu, récit d'une révolution qui finit par dévorer ses propres enfants. Ces excès, cette violence, Wajda les avait connus dans sa propre vie. Avec sa disparition, c'est un peu de la mémoire du XXe siècle qui s'enfuit.

 

Adrien Dufourquet

Catégories : Lecture Zen