Tarantino
70, année fantastique


Posté le 08.10.2016 à 16H


 

En 15 films le cinéaste américain, véritable cinémathèque mondiale serrée dans un corps humain, résume une année cinématographique aussi agitée, profonde et directe que sa façon de s'exprimer.

 

The Lady In The Car With Glasses And A Gun

 

La Dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil d'Anatole Litvak

 

Au programme uniquement des films ultimes, à commencer par les abysses sentimentales, premier degré, adolescentes de l'inoxydable Love Story de Arthur Hiller qui rejoint les méandres romanesques aqueux de l'amour à mort si justement titré Deep End de Jerzy Skolimowski.

Obsessions sentimentales toujours, plein bizarre et crimes passionnels, avec ces choix du créateur de la mariée vengeresse par amour de Kill Bill, qui recommande le plastique et coupant L'Oiseau au plumage de cristal (L’uccello dalle piume di cristallo) de Dario Argento, un thriller ultra chic aux manipulations et secrets multiples, comme l'exact et peu connu film de genre et de fuite : La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil (The Lady in the Car with Glasses and a Gun) d’Anatole Litvak. Une adaptation rare du mélancolique écrivain français Sébastien Japrisot (L'Eté meurtrier. Le Passager de la pluie).

Mélancolie française (toujours), très adulte et pleine de la réalité du XXe siècle, qui constate sans juger et se penche sur la qualité d'être un homme avec la quête vaine du désir dans le conte moral du génie Eric Rohmer et son célèbre Le Genou de Claire. Autre choix tarantinesque lettré : le christique laïque chef d'oeuvre mortel de l'immense Claude Chabrol qui imagina alors Jean Yanne, tempérament poilu et masculin viril, en héros fou, en miettes, débordé criminel dans Le Boucher.

Mélancolie classique enfin, comme une dernière trace de la splendeur de l'époque des grands studios d'Hollywood, avec les haletants et nostalgiques passionnants : La Lettre du Kremlin (The Kremlin Letter) de John Huston et ses espions qui tricotent (l'un des plus beaux films sur la Guerre Froide), et le secret spirituel sans fin, à revoir toujours : La Vie privée de Sherlock Holmes (The Private Life of Sherlock Holmes) de Billy Wilder.

 

5ep Traffic

Cinq pièces faciles de Bob Rafelson

 

Mais amusement et débraillement parfaits aussi ! avec le "king size" Hollywood Vixens (Beyond the valley of The Dolls) de Russ Meyer, et le plus discret Jack Nicholson héros trentenaire en pull marin, qui s'abandonne à Cinq pièces faciles (Five Easy Pieces) de Bob Rafelson avant de diriger son premier film au titre infernal : Vas-y, fonce (Drive, he said) sur fond de guerre du Vietnam. Car Tarantino est aussi un politique qui récemment a manifesté contre les violences policières faites aux afro-américains. Une cohérence que l'on retrouve dans sans doute le film le moins connu de cette sélection On n’achète pas le silence (The Liberation of L.B. Jones), dernier film du vétéran William Wyler et plaidoyer sec, donc infernal, contre le racisme et l'utilisation des armes à feu. Wyler y filme une des scènes de meurtre les plus terribles qui soit. Frontale.

Second degré finalement, mais toujours politique et américain avec le sarcastique et intenable M*A*S*H (M.A.S.H) de Robert Altman ou le Vietnam et sa guerre en bouillie, la fin des illusions sur la pureté des intentions américaines, et le très distancié gracieux plein de réflexion Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni.

Rien à ajouter, Tarantino par ses choix a tout dit !

Catégories : Lecture Zen