Vincent Lindon,
sans filtre


Posté le 14.10.2016 à 11H


 

En 2015, il évoquait sa passion pour Julien Duvivier. Au festival 2016, c’est au cinéma de Marcel Carné qu’il rend hommage dans les salles. Rare en marge des écrans ciné, Vincent Lindon s’est dévoilé sans filtre à la Comédie Odéon, dans un dialogue matinal de plus de deux heures avec le public et Thierry Frémaux. Le mâchon aidant juste avant (« Le marc m’a tué ! » aurait lancé Laurent Gerra) ! Morceaux choisis.


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© Institut Lumière / Photo Olivier Chassignole


A propos de son métier d’acteur 

Je dit souvent à mes amis : Je fais de mieux en mieux quelque chose que j’aime de moins en moins. Ce qui m’intéresse dans mon métier, c’est ce qui se passe  avant ‘Moteur !’ et après ‘Coupé !’. L’écriture, les rapports entre les gens. La jouissance de jouer c’est trop court et je préfère l’endurance. Je n’aime qu’une chose, ce sont les rapports humains. Et j’en déteste une autre, c’est la familiarité. Je ne vais pas aux émissions de variété. Coco Chanel disait « Vous êtes à la mode, eh bien vous n’y êtes plus ! » ».

 

Sur son engagement auprès du metteur en scène                     

Ma hantise : être un mauvais souvenir pour le metteur en scène. Je leur fais parfois peur et je le regrette. J’ai toujours considéré que les acteurs faisaient les films avec eux. Quand je tourne, il est tout pour moi, j’ai envie de ne parler qu’à lui. Je ne connais pas de plus belle relation au monde que celle d’un metteur en scène et son acteur. Quand ça se passe bien, c’est indescriptible. Comme avec Jacques Doillon (avec qui il vient de tourner Rodin). C’est un métier que je trouve très touchant.


13oct-Vincent-Lindon-jeanlucmege-6874© Institut Lumière / Photo Jean-Luc Mège

Sur son début de carrière

Mes parents viennent de la grande bourgeoisie, je suis un aristo. Donc j’ai pu refuser énormément de films, éviter beaucoup d’écueils. J’ai décidé de faire tout ce qui est chic pour moi, de la qualité et pas de la quantité. Grâce à ma mère qui connaissait tout le monde, j’ai fait mes « débuts » à 21 ans en tant que conducteur de la camionnette costume de Gérard Depardieu sur le tournage de Mon Oncle d’Amérique d’Alain Resnais, en 1981. On s’entendait bien, le matin me disait « Comment elle va ma saloperie, comment il va mon ordure ? ». Un peu plus tard, toujours grâce à ma mère qui avait demandé à ce qu’on me trouve quelque chose, Coluche a téléphoné « J’ai du boulot pour ton môme. » C’était dingue, j’étais avec toute la troupe du splendid et mon boulot c’était testeur de micros ! En fait, comme autodidacte je me suis construit sur des phrases de Coluche. Mais pour être honnête je n’ai jamais eu de vocation, je pense que c’est l’amour du travail qui compte. Comme disait Rodin : « La beauté on ne la trouve que dans le travail, sans lui on est foutus ».

 

Sur le temps qui passe 

Il y a des gens qui disent « Je me suis vachement calmé avec le temps ». Moi non, j’ai plus le trac avant de tourner une prise, j’ai de moins en moins de sang froid pour les choses qui n’ont pas d’importance. Tout s’aggrave avec le temps ! Moi quand j’ai mon premier jour de tournage c’est le 11 novembre, c’est le drame, vous n’imaginez pas ! Et je ne veux pas être un vieil acteur !


011-Masterclass-Lindon-OdeonChassignole© Institut Lumière / Photo Olivier Chassignole


Charlotte Pavard

Catégories : Lecture Zen