Lucky Jo

Lorqu’un producteur débutant lui commande un film policier avec Eddie Constantine, Michel Deville propose d’adapter Main pleine de Pierre G. Lesou (déjà auteur du Doulos filmé par Melville), une Série Noire dramatique qu'il va rendre plus légère, à la limite du comique. 

Deville se repose sur le mythe Constantine : charmeur, bourru et vainqueur de bagarres impressionnantes, qui ravit les amateurs du genre. Cependant, avec Nina Companeez, sa scénariste, il inverse les codes du film de gangsters. Ici, Constantine n’est pas infaillible et échoue toujours ; il ne doit ses réussites qu’au hasard. Lucky Jo – en plus de Constantine – rassemble quelques personnalités marquantes du cinéma français, notamment Pierre et Claude Brasseur, père et fils réunis pour la première fois à l’écran.

Le montage rythmé permet de coller à la dynamique des bagarres. Pourtant Deville intègre à ce film d’action l'univers mélancolique et doux qui lui est propre. Jo est condamné à vivre dans la solitude, il ne peut échapper à son sort, « il a le sourire aux lèvres, la tristesse au cœur » (Jacques Siclier).

« Au fond l’histoire de Lucky Jo est une histoire dramatique, l’histoire d’un brave gars, pas méchant pour un sou malgré son métier, et qu’accable injustement un destin beaucoup plus redoutable que tous les flics du monde. C’est l’angoisse, la solitude, le désespoir de Lucky Jo qui constitue le vrai thème du film. Et c’est ce thème-là que, presque certainement, Michel Deville, qui est un réalisateur sensible et intelligent, a eu envie de développer ». (Jean de Baroncelli, Le Monde, 14 novembre 1964)