Park Chan-wook
en 5 scènes iconiques


Posté le 08.09.2016 à 16h


 

Difficile de ne retenir qu'une poignée de scènes dans la filmographie de Park Chan-wook tant il est maître dans l'art de composer des images dont la rigueur formelle n'a d'égale que la brutalité, fut-elle explosive ou rentrée – à l'instar d'un Quentin Tarantino. En voici toutefois cinq parmi les plus marquantes. Attention, spoilers.

 

1. Sympathy for Mr. Vengeance (2002)

La douleur des uns fait le plaisir des autres. Dans le premier volet de sa "trilogie de la vengeance", qui raconte les tentatives désespérées de Ryu, un sourd-muet, pour soigner sa jeune soeur gravement malade, le Tarantino sud-coréen illustre cet adage taoïste avec un humour d'une noirceur pour le moins tragicomique. Soit quatre jeunes garçons, l'oreille collée à un mur, en train de se masturber au son de gémissements féminins. Un travelling plus tard, on découvre qu'ils émanent de la soeur de Ryu, agonisante, tandis que lui déguste un bol de nouilles l'air de rien. De l'art du contraste...

 

 

2. Old Boy (2003)

LA scène. Lancé à la poursuite d'un mystérieux ravisseur qui l'a séquestré pendant quinze ans, le dénommé Oh Dae-su se retrouve acculé dans un couloir par une ribambelle d'hommes de main, avec pour seul moyen de défense un marteau. Débute alors un plan séquence de quatre minutes des plus spectaculaires, à mesure que Oh Dae-su, souvent dépassé mais jamais résigné, estropie ses opposants avec la brutalité et l'adresse d'un héros de beat them up. Véritable ballet pour os qui craquent, la scène a nécessité pas moins de 17 essais répartis sur 3 jours de tournage. Le résultat est là, emblématique du cinéma de son auteur, viscéral et pourtant maîtrisé.

 

 

3. Lady Vengeance (2005)

Du déchirant au grotesque, il n'y a parfois qu'un pas, que le dénouement de Lady Vengeance franchit avec une rare assurance. Accusée à tort du meurtre d'un enfant, Lee Geum-ja finit par mettre la main sur le véritable coupable. L'heure vient alors de savourer sa revanche. Froide la revanche, glaciale même : après avoir montré aux parents des victimes les tourments infligés à leurs enfants, le temps d'un champ-contrechamp aussi dérangeant que bouleversant, Lee les invite à punir eux-mêmes le tortionnaire, détenu dans une pièce voisine – et très au fait de la situation, ainsi que l'explique une remontée de câble en vue subjective façon Panic Room. S'ensuit un jeu de massacre non moins ambivalent, car à la fois suggestif et baroque, durant lequel les parents, attendant leur tour comme on patiente à un guichet de Poste, exerce cette communicative catharsis dont Park Chan-wook s'est fait le spécialiste.

 

 

4. Thirst, ceci est mon sang (2009)

Park Chan-wook a le chic pour soigner ses sorties. Ainsi de la séquence finale de Thirst, romance entre Kang-woo, un prêtre devenu vampire suite à une mystérieuse transfusion sanguine, et Tae-Ju, la femme de l'un de ses amis d'enfance. Il souhaite mourir avec elle face au soleil levant. Elle refuse. Et pendant cinq bonnes minutes, leur désaccord ressemble à un cartoon un peu triste, Tae-Ju usant de tous les stratagèmes imaginables pour échapper à la mort, même les plus saugrenus (se cacher dans le coffre !). Mais l'inévitable survient : le jour pointe et, dans une étreinte lyrique et craspec, les deux amants s'embrasent, tandis que se dessine sur le visage d'un troisième personnage un motif de vengeance, fil rouge sang d'une fimographie de plus en plus picturale.

 

 

5. Stoker (2013)

Park Chan-wook est parfois considéré, à tort, sur la foi de quelques effusions, comme un réalisateur démonstratif. Une scène de Stoker, son escapade américaine avec Nicole Kidman, suffit à tordre le cou à cette idée reçue. Librement inspiré de L'Ombre d'un doute de son maître à penser Alfred Hitchcock, le film prend la forme d'un huis clos familial opposant une adolescente, India, à son oncle Charlie, revenu de nulle part suite au décès de son frère. Dans l'une des scènes les plus millimitrées du film, India s'entraîne au piano. Charlie la rejoint soudainement et, sans un mot, la met au défi de le suivre. S'improvise alors un duo qui, petit à petit, glisse de la rivalité vers le jeu de séduction. En accord avec cette tension mêlée de relâchement, le montage épouse les mesures de Philipp Glass, dont chaque note semble ici égréner un sous-texte.

 

 


 

 

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