Lumières numériques, l'épicerie fine lyonnaise


Posté le 23.10.2016 à 11H36


 

Avec une petite dizaine de films restaurés par an, c'est "l'épicerie fine par rapport à la grande distribution" dit Pierre-Loïc Precausta à propos de Lumières numériques, une jeune société de restauration et de post-production qu'il a fondée à Lyon fin 2011. Précisément "en octobre", souligne-t-il. "C'est donc notre anniversaire à chaque festival !"

 

Compartiment Tueurs IL PB

Compartiments tueurs de Costa-Gavras

 

Petit Poucet avec ses sept salariés, Lumières numériques a réussi à capter 9% du marché français en nombre de restaurations attribuées par le plan de numérisation du patrimoine du CNC. Il  arrive ainsi derrière les géants Ymagis, qui a racheté les laboratoires Eclair et Hiventy, l'ex Digimage. Partenaire du Marché du film classique (MFC) cette année, la société profite de la vitrine exceptionnelle offerte par l'évènement, pour rencontrer ses clients et en prospecter d'autres. Elle met en avant un "très fort ancrage local" et un minutieux travail d'artisan, synonyme de grande qualité.

"Nous nous occupons très soigneusement des films, nous passons le temps nécessaire pour arriver au meilleur résultat. Nous tenons à ce que l'image soit entièrement contrôlée par des hommes et des femmes, pas par des machines", dit Pierre-Loïc Precausta.

Présenté à Lumière 2016 avant sa sortie en DVD et Blu-ray chez Arte Video, Compartiment tueurs le premier film de Costa-Gavras sorti en 1965, avec Simone Signoret et Yves Montand, a demandé quatre mois de travail.

"Un ordinateur n'aurait pas fait la différence, dans une scène de course-poursuite nocturne, entre des poussières blanches et des reflets sur des chromes de voiture… il aurait supprimé les deux, endommageant l'image", rapporte M. Precausta.

Lumières numériques a également restauré le deuxième film de Costa-Gavras, Un homme de trop (1967), également présenté au festival.

"Nous avons reçu 1,2 tonne de pellicule stockée dans les studios de la MGM à Burbank, en Californie. Il a fallu tout trier, certains éléments étaient en très mauvais état".

 

Ma Nuit Chez Maud

Ma nuit chez Maud d'Eric Rohmer

 

Abîmée, la pellicule a été traitée avec un scanner par immersion, une technologie sophistiquée que peu de laboratoires possèdent. Ce scanner fait baigner le film dans un liquide qui comble les rayures de la pellicule tandis que les images sont numérisées. "Cela fait gagner beaucoup de temps en restauration numérique, tout en corrigeant des défauts très compliqués". Lumières numériques travaille, entre autres, pour les Films du Losange, pour qui elle vient de restaurer Ma nuit chez Maud et Le Rayon vert d'Eric Rohmer. Elle s'est aussi vu confier les documentaires de Jean Rouch, qui aurait eu 100 ans l'an prochain. "Ils vont retrouver tout leur éclat", promet Pierre-Loïc Precausta. La société développe aussi une petite activité de post-production : elle va notamment post-produire, pour le cinéaste Luc Jacquet, La Marche de l'empereur 2, après avoir travaillé sur La Glace et le ciel, sorti en 2015. "Lui aussi vit dans le coin", souligne M. Precausta, fier d'une équipe où certains ont largué leurs amarres parisiennes pour "vivre de notre passion, et le faire à Lyon". Aujourd'hui, Lumières numériques trace sa route sans ciller.

"Nous sommes comblés : nous avons un petit mur où on fait signer les gens qui viennent chez nous… et nous n'aurions jamais imaginé travailler avec Costa-Gavras, Barbet Schroeder, François Ozon, Christian Carion…"

 


 

Rebecca Frasquet

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