Festival Lumière 2016
Hommage à Jim Harrison


Posté le 11.07.2016 à 14H36


 

En 2010, au Festival Lumière, alors qu'il présentait La Soif du Mal, point d'orgue de sa carte blanche, l'écrivain Jim Harrison avait évoqué l'appétit d'ogre d'Orson Welles, tellement gros, à la fin de sa vie, qu'il fallait se mettre à plusieurs pour l'extirper de sa limousine. Plus tard, il avait raconté le menu pantagruélique d'un dîner avec Orson, où le cinéaste avait englouti "une demi-livre de caviar avec une bouteille de vodka, du saumon à l'oseille, des ris de veau en croûte, un petit gigot (intégralement), le tout accompagné de cinq vins, des fromages avec du porto, des desserts."



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© Institut Lumière / Photo Ronchon


Mort en mars dernier, à 78 ans, au terme d'une existence décidément "bigger than life", Jim Harrison aimait passer l'été dans sa maison rustique du Montana (l'hiver, il revenait à Patagonia, Arizona); mais il pouvait sauter dans un avion et traverser l'Atlantique pour un déjeuner - bien arrosé. Il se vantait d'avoir un jour avalé d'affilée 144 huitres... Ses activités gastronomiques sont à retrouver dans Aventures d'un gourmand vagabond, chez Christian Bourgois, mais comptent sans doute un peu moins que le reste de son oeuvre romanesque et poétique, de Légendes d'automne (son premier succès, en 1979, après plusieurs récits et recueils de poèmes) à son titre le plus célèbre, Dalva (la plupart de ses romans sont disponibles chez 10/18). Jim Harrison était le grand romancier de la nature américaine, et de l'homme face à elle, dont l'écriture lyrique évoque moins Hemingway, auquel on l'a parfois comparé, que Faulkner.

Dans les années 80, Jim Harrison avait passé du temps à Hollywood, rédigeant plusieurs scénarios. Pas sûr que la vie mondaine sur la côte ouest fût tout à fait sa tasse de whisky, mais il en avait gardé des amis pour la vie. Même après son retour auprès des serpents à sonnette et des grizzlys, Jack Nicholson, rencontré via Thomas McGuane, Warren Beatty, Sean Connery sont restés des intimes. Sans doute Harrison avait-il travaillé sur une tripotée de projets non aboutis, mais sa contribution au cinéma se limite surtout à l'adaptation de ses propres romans : Légendes d'automne (1994), réalisé par Ed Zwick, avec Brad Pitt, qui lui fit gagner un million de dollars - qu'il avoua avoir claqué en alcool et cocaïne; le sous-estimé Wolf (1994), de Mike Nichols, où Nicholson se transforme en loup-garou - composition géniale de l'acteur et thématique "harrisonnienne" par excellence.

Le romancier avait longtemps espéré que l'adaptation de Revenge puisse être réalisé par John Huston, mais c'est finalement Tony Scott qui s'en chargea en 1990 - pas tout à fait la même chanson. "Que Huston abandonne l'affaire fut ma plus grande déception à Hollywood, avait-il raconté à la revue américaine The Paris Review. J'ai aimé écrire des scénarios, mais passer d'un projet à l'autre est très fatigant. Personne ne m'y a obligé. La raison pour laquelle les écrivains se laissent submerger par l'industrie hollywoodienne est tout simplement le résultat d'un sentiment humain ordinaire : l'avidité. Il n'y a rien de littéraire là-dedans - c'est juste l'envie de gagner de l'argent. Pourquoi devrais-je blâmer la Warner de ma propre avidité ? Faulkner s'est toujours présenté comme un martyr d'Hollywood. N'importe quoi ! Sa famille avait un tel train de vie et il entretenait dix-sept personnes - les enfants de son frère, des tantes, des oncles, une femme alcoolique. Que le vieux Billy ait eu envie ou non d'aller à Los Angeles, tout ce petit monde le pressait pour qu'il gagne plus d'argent !" On peut aussi penser que Jim Harrison, ce jour-là, était vraiment mal luné...

 


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